Cultures Rester maître de sa commercialisation
Depuis dix ans, Jean Ketele sécurise ses ventes de blé et de colza grâce au marché à terme.
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Le déclic, Jean Ketele l’a eu en 2007. Cette année-là, le blé avait grimpé de 150 à près de 300 euros la tonne. « J’avais vendu une grande partie de mon blé et je regardais la courbe monter, sans pouvoir rien y faire », se rappelle l’agriculteur installé dans l’Aisne. Dans une volonté d’autonomie, il décide alors de se former aux marchés à terme, qui permettent de sécuriser, voire d’optimiser son prix de vente.
« Le marché à terme fait partie des outils permettant de réussir sa commercialisation, affirme Jean. Les autres outils sont le stockage et la capacité financière. Et, en ce moment, grâce aux taux d’intérêt bas, il est très facile d’emprunter pour financer son stock. »
Après sa formation en 2008, l’agriculteur ouvre un compte marché à terme chez Caceis, le service financier du Crédit agricole. « La familiarisation avec le marché à terme est assez longue et demande quelques années de pratique, prévient-il. Il y a la crainte de se tromper dans les contrats, et les appels de marge peuvent faire peur. Heureusement, il y a toujours un interlocuteur Caceis au bout du téléphone lorsque l’on veut passer des ordres. » Jean se fait aussi accompagner par le cabinet ODA, qui propose aux agriculteurs un service « club » (lire encadré). Il consulte plusieurs fois par jour les cours du blé et du colza, et s’informe des éléments qui peuvent peser sur le marché mondial. « Il est important de ne pas subir les cours, mais de comprendre pourquoi ils montent ou ils baissent », souligne-t-il.
Des options pour profiter des hausses du marché
L’année 2010, très volatile, est l’occasion pour Jean de mettre à profit les outils proposés par le marché à terme. « Avant récolte, les cours stagnaient à 125 euros/tonne, dans un contexte de faible volatilité, relate-t-il. Notre conseiller ODA nous avait alors recommandé d’acheter des “calls” (options à la hausse), car elles n’étaient pas chères. »
L’exploitant achète alors dix calls de 50 tonnes à 5 €/t (soit un coût de 2 500 €). Pendant l’été, en raison d’une importante sécheresse en Russie, les cours du blé s’envolent, et les options prennent de la valeur. « En septembre, j’ai revendu mes calls entre 25 et 30 €/t. Au total, cela m’a permis de réaliser un bénéfice de plus de 10 000 € », explique-t-il.
Depuis 2015, les prix du blé sont bas et la volatilité des cours a diminué. Dans ce contexte, il est important de bien définir sa stratégie de vente, en fonction de son seuil de commercialisation. Celui-ci correspond à un prix minimum de vente permettant d’assurer son revenu et la pérennité de son entreprise. Chez Jean Ketele, le seuil de commercialisation du blé est estimé à 130 €/t, celui du colza à 360 €/t. « Lorsqu’un prix de vente proposé sur le marché à terme est au-dessus de son seuil de commercialisation, il est recommandé de commencer à vendre une partie de sa production, conseille Pierre Ammeux, consultant chez ODA. Dans un contexte de prix bas, une partie des ventes peut être reportée sur la campagne suivante. »
Rester humble par rapport au marché
C’est cette stratégie que Jean a adoptée ces dernières années. En 2015, il stocke toute sa récolte de blé, puis en vend une partie après la moisson 2016, au moment où les opérateurs recherchaient des blés de bonne qualité. Sa récolte 2016 est également stockée et vendue en mélange avec des blés 2015. « De cette façon, j’ai pu vendre du blé à 165 €/t en moyenne, au lieu de 140 € », détaille-t-il.
En mars 2018, il lui restait encore 20 % de sa récolte 2016 et 100 % de sa récolte 2017. L’agriculteur en contractualise près de la moitié avec un négoce, à l’échéance mai 2018, sur une bonne base de - 11 (soit la différence entre le prix physique et le prix marché à terme). Il envisage de reporter à nouveau une partie de sa commercialisation sur la prochaine campagne. « Étant donné la sécheresse qui se poursuit aux États-Unis, il se peut que le marché devienne haussier, avance-t-il. Dans ce cas, je prendrai des calls sur septembre. » En colza, il a vendu toute sa récolte à 383 €/t à la mi-novembre 2017, juste avant la baisse.
Fort de ses années d’expérience, Jean considère le marché à terme comme un outil indispensable, sans pour autant parler de recette miracle. « Il faut toujours rester humble par rapport au marché, aime-t-il rappeler. On ne réussit pas toujours, mais c’est beaucoup plus valorisant de gérer sa commercialisation soi-même que de la déléguer à un organisme stockeur. »
Adèle MagnardPour accéder à l'ensembles nos offres :